La Fonction Publique
Ce mois-ci, vous allez découvrir la face cachée d’un monde que vous cotoyez pourtant quotidiennement : la Fonction Publique.
Quels priorités, quelles orientations et quelles opportunités se masquent derrière cette Institution ? Grâce à notre fabuleux réseau d’Anciens, nous avons la réponse…
Pour combler notre soif de savoir, un Ancien déjà expérimenté, Thierry Brigodiot (Promo 1989). Thierry va nous raconter, avec son approche et son profil original, les rouages internes de la Fonction Publique.
Mais tout d’abord, voici sa fiche d’identité :
| Identité | Thierry Brigodiot |
| Promotion de sortie EISTI | 1989 |
| Autres formations | — |
| Société, lieu | Ministère de l’Education Nationale à Paris – France |
| Poste occupé | Consultant interne |
| Domaine | Education |
Place au témoignage :
2πr – La Fonction Publique est rarement associée à « Ingénierie » dans les esprits. Qu’est-ce qui vous y a conduit ?
Thierry Brigodiot (T.B) : Ma venue au ministère de l’éducation nationale tient plus de l’opportunité que d’un choix longuement mûri. A cette époque (début 1999), j’ai été contacté par une ancienne collègue pour la rejoindre dans la cellule de consultants internes de ce Ministère alors dirigé d’un main de fer par Claude Allègre. Chaque semaine, l’Education Nationale avait droit à un article dans la presse quotidienne nationale : « dégraissage du mammouth« , « trop d’absentéisme chez les profs« , « Tolérance zéro contre la violence à l’école« , « Réflexions sur les savoirs à transmettre à l’aube du 21ième siècle« , « cartable électronique« … Que de sujets allèchants, non ?
De surcroit, le poste offert était positionné « hors hiérarchie » puisque transversal à toutes les directions : une position tout à fait inhabituelle au sein d’un service publique. Cette liberté d’action est renforcée par la possibilité de faire appel à des prestataires externes sur les différents projets sur lesquels nous intervenons…
En quelques mots, la mission des consultants internes est d’adapter les meilleures pratiques du privé au profit des grands chantiers de modernisation de l’Etat dans les domaines du contrôle de gestion, des SI, de la gestion des Ressources Humaines, de la Qualité…
La cellule compte 6 consultants, un peu juste pour une institution dont l’effectif dépasse le million de personnes !
Pour ceux qui seraient interessés, nous lançons une campagne de recrutement – 2 postes – dans les semaines à venir…
Quelques précisions tout de même sur le service publique, que je découvre depuis près de 3 ans ; contrairement aux idées reçues l’ingénierie est fortement présente dans les fonctions publiques (Etat, Territoriale et Hospitalière). Sans compter les programmes spécifiques dans les domaines tels que la Défense, l’Equipement, l’Environnement ou encore la Recherche. Les services informatiques sont encore très souvent internes offrant des postes et des fonctions similaires à ceux proposés dans toute entreprise du secteur privé.
2πr – Faut-il avoir un profil précis pour pénétrer ce secteur ?
T.B : Quel profil pour intervenir dans ce secteur ? Le secteur publique a certes sa propre culture, son fonctionnement propre, ses contraintes, ses leviers tout comme le secteur industriel ou celui des services. La diversité des situations est importante puisqu’il y a autant de différence entre un constructeur automobile et un opérateur télécom qu’entre le Ministère du Budget et le Conseil Régional d’une région.
Le bon profil pour intervenir dans ce secteur, comme dans un autre, c’est :
– l’écoute,
– l’empathie,
– le pragmatisme,
– la rigueur,
– la confiance, et
– la MOTIVATION.
2πr – On reproche souvent la lenteur de réaction de la Fonction Publique face à l’Industrie. Préjugé ou bien-fondé ?
T.B : Il est vrai que le secteur privé s’adapte plus « rapidement » aux contraintes imposées par le Marché ! L’exemple d’Automobile Citroën, condamnée et disqualifiée dans les années 80 et réalisant en 2001 la plus forte progression de ventes sur le marché français, en est la preuve. Cette capacité de réaction est selon moi principalement due à trois facteurs :
– les investissements,
– les systèmes de décision et
– la pression du client.
Dans la fonction publique d’Etat, et au Ministère de l’Education Nationale en particulier, plus de 90% du budget sont les traitements des fonctionnaires. En excluant les crédits de fonctionnnement, les montants des investissements restent insuffisants pour mettre en oeuvre les évolutions nécessaires dans des délais voisins de ceux du privé. Ce qui était le cas dans le privé, il y a quelques décennies.
Quant au système de décision, il est d’une complexité incroyable. Certains diront que c’est au profit de la démocratie, d’autres au contraire argueront l’irresponsabilité des politiques et des hauts fonctionnaires.
Il est vrai qu’une formation plus adaptée des cadres supérieurs de l’administration à la gestion, au management et à la gestion des systèmes hyper complexes constituerait un levier pour rationaliser / objectiver les prises de décisions.
Enfin, la pression des citoyens est encore insuffisamment perceptible dans les bureaux des Ministères ; les démarches Qualité et d’écoute des usagers intègrent petit à petit l’administration publique.
Ceci explique en partie la lenteur des réformes de l’état. Toutefois, je tiens à signaler deux réformes de fond passées inaperçues dans l’opinion publique :
– la réforme de la loi organique de 1959 et
– la réforme des codes des marchés.
A suivre d’ici… les premiers effets concrets sont attendus dans…. 5-7 ans !
2πr – Quels sont ses atouts pour un ingénieur ?
T.B : Les atouts d’un ingénieur dans l’administration…
Les cadres des administrations d’Etat ont en grande majorité un cursus Science Po, ENA, ou universitaire (ex: droit administratif). En dehors des corps d’ingénieurs de Grandes Ecoles, il existe encore trop peu d’ingénieurs à des postes de haute responsabilité. Toutefois, quelques-uns ont fait des parcours passionnants dans l’administration par une approche « originale » de la complexité et en sachant s’imposer dans un contexte a priori défavorable.
2πr – La Fonction Publique permet-elle un revirement de carrière et/ou constitue t-elle un tremplin ?
T.B : On peut accèder à la fonction publique d’Etat par voie de concours ou dans le cadre d’un contrat. La première voie constitue un véritable choix de carrière puisque la probabilité de terminer sa carrière dans la fonction publique est de l’ordre de 99.9%. Dans le cadre d’un contrat, ce qui est mon cas, il est toujours possible de retourner dans le privé. Depuis, 4 ans, sur 6 personnes ayant déjà quitté la cellule de consultants internes, 4 ont retrouvé un emploi dans le secteur privé, leur expérience à l’éducation nationale étant valorisée comme toute autre expérience professionnelle.
Mon contrat arrive à terme dans quelques mois. Je suis actuellement assez avancé dans ma recherche et les perspectives me démontrent que les projets menés à l’Educ. sont reconnus.
L’avenir passe peut-être par plus d’échanges de compétences entre public et privé. A quand des proviseurs et des principaux recrutés dans le privé ?
2πr – Merci pour tous ces éclaircissements !
Maintenant que nos lanternes ont été éclairées, nous souhaitons bonne chance et bonne carrière à toutes celles et ceux qui ont envie de rejoindre la Fonction Publique.
N’hésitez pas à faire part de vos remarques ou bien de vos témoignages en nous écrivant à l’adresse suivante : [email protected]