Le phénomène Offshore
Données concernant l’interviewée :
| Identité | Armelle Nedelec |
| Promotion de sortie EISTI | 1989 |
| Autres formations | Master in System Management au FIT – USA |
| Société, lieu | Jezz-Net à Zahlé – Liban |
| Poste occupé | Gérante |
| Domaine | SSII |
Après cette courte présentation, place au témoignage :
2pr – Tout d’abord, les présentations : quelle fonction exacte occupes-tu et au sein de quelle entité ?
Armelle Nedelec (A.N): J’ai fondé une société au Liban depuis maintenant 3 ans, Jezz-Net.
Cette société encore modeste actuellement a plusieurs objectifs :
– Promouvoir la notion de télé-travail… voire à l’international
– Promouvoir les logiciels libres
– Pouvoir travailler sur le marché du Moyen-Orient, sans emmigrer a Dubaï.
Je suis actuellement la principale employée de la société.
Notre coeur de métier est le suivant :
– Administration de Systèmes UNIX auprès des fournisseurs d’accès
– Developpement de sites web
– Mise en place et modification d’applications Web sous licence GPL
2pr – Quel est l’impact du phénomene offshore sur ton univers professionnel ?
Armelle Nedelec (A.N): Je n’ai malheureusement pas encore travaillé de cette façon, bien que ce soit un de mes
objectifs et une des raisons pour lesquelles j’ai favorisé des clients dépendant du ministères des affaires
étrangères Français.
Je le vois malgré tout d’une autre façon et ce dans la volonté des gens du pays de ne plus faire appel aux
compétences occidentales dans la mesure du possible.
En effet la plupart des intervenants extérieurs que je rencontre sont egyptiens ou viennent de Dubaï. On retrouve
là aussi beaucoup d’Indiens qui travaillent soit en offshore soit en s’expatriant vers la grande plaque tournante
high-tech du monde arabe : Dubaï.
Lors de la création de ma société, j’ai en effet rencontré plusieurs sociétés offshore au Liban, mais cela reste
encore marginal. En effet, les prix libanais sont très élevés par rapport au marché de l’Offshore et les patrons
Libanais ont du mal a comprendre qu’on ne fera pas de l’offshore en étant payé au prix Français…
2pr – Faut-il avoir peur du phénomene offshore ?
Armelle Nedelec (A.N): Je pense que tout dépend du point de vue dans lequel on se place.
Il est clair qu’il y a plusieurs facettes du phénomène offshore et qu’on peut le regarder de différentes manières :
1 – Coté pays en voie de développement
C’est bien-sûr une opportunité qui peut permettre à certains pays de se développer, comme le marché de
l’électronique a permis l’émergence des pays du sud-est asiatique.
Par ailleurs, Ce qui est un avantage pour les pays en voie de développement peut apporter des bienfaits aux pays
développés. En effet l’émergence d’une classe moyenne dans les pays en développement peut permettre de créer de la
richesse. Les ingénieurs de ces pays, au lieu d’émigrer vers les pays occidentaux peuvent « rester chez eux ». Leur
niveau de vie augmentant, ils créent autour d’eux une richesse distribuée à des gens avide de consommer des produits
occidentaux. Cela permet également de limiter l’immigration en supprimant la raison principale d’émigrer… qui est
économique. c’est plus facile et plus humain que de se battre contre les clandestins.
2 – Coté pays occidentaux
Là aussi, je sépare mon analyse en deux parties : Il n’y a en effet pas qu’un seul métier dans l’informatique et
tous ne seront donc pas touchés de la même façon.
Les informaticiens qui aiment rester seuls devant leur ordinateur sans voir un
client ; ceux qui pensent que l’informatique c’est bien, mais dommage qu’il y ait des utilisateurs…
Ceux-là doivent avoir peur.
En effet, leur travail, loin des utilisateurs et de préférence sans eux peut être fait n’importe où.
Par contre, il y a des métiers qui nécessitent le contact. On peut bien-sûr imaginer de travailler par e-mail,
video conférence etc…
Mon experience de travailler entre deux pays, de chez moi, me permet de vous dire que nous ne sommes pas encore prêts
à faire une bonne analyse à distance avec quelqu’un qui parle plus ou moins bien votre langue et qui a une autre
culture et d’autres références que vous…
2pr – Beaucoup imaginent déjà la fin des SSII. Est-ce exagéré ?
Armelle Nedelec (A.N): Je pense qu’il y aura encore des SSII : celles qui sauront revenir au sens primaire du
terme, c’est-à-dire société de SERVICE. L’informatique devra peut-être venir après…
On peut effectivement imaginer le service clientèle d’un éditeur de logiciel en France et le développement et la
hot-line dans un autre pays (attention à la langue pour la hot-line, mais il y a des pays francophones comme le
Maroc et le Liban qui peuvent se révéler intéressants).
Il restera en France ce qui nécessite le contact, mais il faudra être excellent, parce que le service sera cher !
2pr – Comment anticiper ce phénomene et en devenir acteur plutot que de le subir ?
Armelle Nedelec (A.N): Au niveau des sociétés, il va falloir déterminer ce qui est « exportable » et ce qui ne
l’est pas. Puis, développer l’excellence du service.
Pour les individus, il faut autant que faire se peut essayer de se diriger vers les postes demandant un maximum
de contact clientèle. Eviter les postes de développement ou on ne sort pas de son bureau : ce seront les premiers
touchés. Et si c’est ce que l’on aime, soit envisager de le faire en free-lance (ce genre de travail se developpera
a mon avis aussi) ou alors se tourner vers des sociétés qui ont des gros marchés avec l’Etat et surtout le secteur de
la défense (je ne vois pas l’Etat français déléguer ses informations confidentielles à une société qui développe
en Inde ou au Maroc).
2pr – Enfin, Comment se dessine selon toi l’avenir du monde informatique ?
Armelle Nedelec (A.N): Il se re-dessine géographiquement et passe par les même phases que l’industrie.
La notion de coût devient un facteur dans un domaine où il fallait simplement informatiser sans toujours se poser
la question de rentabilité. De plus en plus le client devient l’élément important (peut être ce qui aurait dû se
faire depuis longtemps).
Le phénomène des logiciels libres est dans la même démarche : le client refuse de se laisser prendre au piège par
une firme. C’était hier IBM pour le matériel et l’apparition des clones, c’est aujourd’hui microsoft avec la montée
de Linux. L’informatique a l’habitude d’une démarche où le client, une fois qu’il a acheté un produit chez vous est
piégé, et sert de « vache à lait ». C’est cette démarche qui va, selon moi, disparaître.
Survivrons ceux qui saurons dire au client : vous êtes chez nous, mais je vous fourni tous les outils pour passer
sur un autre produit quand vous le souhaiterez. Si vous restez chez nous c’est que nous sommes vraiment bons.
Lorsqu’on parle d’applications vitales pour le bon fonctionnement de la société, une telle démarche permet d’avoir
des prix supérieurs à la concurrence, si la différence de qualité du service le justifie.
2pr – Merci de nous avoir fait profiter de votre expérience !
N’hésitez pas à faire part de vos remarques ou bien de vos témoignages en nous écrivant à l’adresse suivante : [email protected]
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