Spécial Compagnies aériennes
Toutes les ficelles pour intégrer une compagnie aérienne. La lumière sur les petits avantages qui font des envieux. La face cachée des « Airlines » : des entreprises comme les autres.
Pour répondre à nos questions, Eric Chaumette (Promo 95) et Elise Saint-Gelais (Promo 2000) ont accepté de partager leur expérience.
Données concernant les interviewés :
| Identité | Elise Saint-Gelais |
| Promotion de sortie EISTI | 2000 |
| Autres formations | Diplom Informatikerin, Technische Universität Dresden – Allemagne |
| Société, lieu | Lufthansa Systems GmbH à Francfort – Allemagne |
| Poste occupé | IT-Specialist |
| Domaine | Analyse du flux de passagers |
et
| Identité | Eric Chaumette |
| Promotion de sortie EISTI | 1995 |
| Autres formations | DEA en traitement du signal et de l’image, Université de
Cergy – France |
| Société, lieu | Air France à Toulouse – France |
| Poste occupé | Chef de projet |
| Domaine | Airlines |
Après cette courte présentation, laissons-les nous faire découvrir l’univers mystérieux des compagnies aériennes :
2πr – Précisément 1 an après les événements tragiques du 11 septembre 2001 à New York, tout le monde s’intérroge sur la situation économiques des compagnies aériennes ? Faillite ou redécollage ?
Elise Saint-Gelais (E.S-G) : On ne peut pas sur le champ donner un bilan global de l’après 11 septembre 2001 ; il faut voir en détail toutes les compagnies aériennes. En effet, certaines s’en sont plutôt bien sorties comme Air France ou Luthansa par exemple, d’autres y ont laissé « leurs ailes » comme SWISSAIR ou encore Delta Airline et j’en passe…
Néanmoins, je pense tout de même, et ceci n’est pas une surprise, que globalement toutes les compagnies aériennes « standards » ont eu des mois difficiles après le 11 septembre 2001. Mais, il ne faut
pas oublier qu’il y a également certaines compagnies, les « Low-Costs » (ndlr : les compagnies aériennes pratiquant des coûts très bas contre un service minimum comme Ryannair, EasyJet, Buzz…), qui ont plutôt
bien vécu l’après 11 septembre… elles y ont même trouvé quelque part un avantage dans la mesure où elles voient depuis le nombre de leurs passagers en constante augmentation.
Eric Chaumette (E.C) : Les compagnies aériennes ont eu à traverser la crise la plus importante de l’histoire du transport aérien. L’Histoire a montré que le transport aérien fonctionnait par cycles courts de crises suivis de croissances. Jusqu’à aujourd’hui, la croissance était d’autant plus forte que la crise était forte. Toutefois, un an après le 11 septembre 2001, la crise économique aidant, on n’a toujours pas retrouvé un niveau de croissance permettant d’avoir confiance en l’avenir…
Je pense que certaines compagnies sortiront grandies de cette crise, au détriment de toutes les petites qui disparaitront comme Sabena, Swissair etc… (ndlr : à noter que des cendres du groupe Swissair, sous l’impulsion de la Confédération, et grâce à la participation active de la compagnie « saine » Crossair, un nouveau groupe aux résultats encourageants a vu le jour : Swiss)
Il n’y a guère plus de place que pour 2 ou trois grandes compagnies aérienne en Europe.
N’y a-t-il pas d’ailleurs que trois grandes alliances dans le monde ?
(ndlr :
– Star Alliance (23 % du marché mondial) : Lufthansa, United Airlines, ainsi que Air Canada, Air New Zealand, All Nippon Airlines, Austrian Airlines Group (Austrian Airlines, Tyrolean Airways et Lauda Air), British Midland, Mexicana Airlines, Scandinavian Airlines, Singapore Airlines, Thai et Varig
– Oneworld (17 % du marché) : American Airlines, British Airways, ainsi que Aer Lingus, Cathay Pacific, Finnair, Iberia, Lan-Chile, Qantas
– SkyTeam (13 % du marché) : Air France, Delta ainsi que AeroMexico, Alitalia, Czech Airlines et Korean Air Lines)
2πr – Qu’est-ce qui vous a conduit à travailler pour une compagnie aérienne ?
(E.S-G) : Le hasard pour être honnête…
Lorsque je cherchais un poste, j’ai trouvé une annonce intéressante chez Lufthansa, j’ai envoyé mon dossier de candidature et voilà…
(E.C) : Principalement la situation géographique du site de Toulouse. Après 4 années passées dans une PME du secteur informatique employant 40 personnes, je voulais tenter l’aventure des grandes entreprises tout en restant sur Toulouse. Air France proposait des moyens ambitieux pour rattraper son retard et cela laissait présager des opportunités de pouvoir piloter des projets intéressants avec des moyens importants. Et je dois dire que sur ce point, je n’ai pas été déçu !
2πr – Quel est votre fonction au sein de la société ?
(E.S-G) : Je travaille en fait dans la branche informatique de Lufthansa ; plus particulièrement dans un service où nous développons des datawarehouses et
des outils de reporting qui permettent aux compagnies aériennes d’analyser le comportement des passagers.
Mon travail consiste principalement en de l’analyse et du développement, mais je suis également responsable d’un projet pour Lufthansa (nos clients ne se limitent en effet pas à Lufthansa). Pour ce projet, je rencontre le client, analyse ses besoins, rédige les propositions
jusqu’à la présentation du produit aux utilisateurs.
Je participe donc à toutes les phases du projet.
(E.C) : J’occupe actuellement le poste de Responsable d’un lot sur un projet important. Sous la tutelle du chef de projet, j’ai la charge de mon lot en termes de ressources, planning, architecture technique, industrialisation et mise en production, intégration dans les flux internes etc…
2πr – Quels atouts possède l’ingénieur EISTI pour « percer » dans une compagnie aérienne ? Quels sont les départements qui feront décoller sa carrière ?
(E.S-G) : Tout dépend dans quelle « branche » de la compagnie aérienne un Eistien veut percer. Dans le secteur informatique, il n’aura pas de problème pour développer une riche carrière car la formation que nous avons recu dans ce domaine est parfaitement adaptée aux besoins du marché. Cependant les autres branches lui sont également ouvertes s’il fait preuve de motivation et d’un projet personnel bien développé. Néanmoins, je pense que le meilleur département pour « décoller » est bien celui de l’IT.
(E.C) : Air France est une entreprise qui considère le diplôme avant toutes choses. Jusqu’en 1999, Air France n’aurait pas (ou peu) recruté dans des Ecoles autres que les plus connues. Cependant, la politique des Ressources Humaines a commencé à changer avec la pénurie d’ingénieurs informaticiens et d’informaticiens au moment où Air France en avait le plus besoin (entre 1995 et 1999 où il n’y a eu aucune embauche). Il faut certainement « en faire plus » que les polytechniciens et autres centraliens pour décoller chez Air France (et ils demeurent nombreux !!)… mais je pense que chacun à sa chance s’il se donne les moyens, comme partout ailleurs. Or c’est certainement cette obligation de résultats qui valorise notre diplôme !
En effet, je n’ai rien trouvé qui puisse me manquer dans ma formation comparé aux autres, au contraire…
Malheureusement, c’est au niveau DRH que ca bloque le plus… La célébrité viendra avec le temps.
2πr – Fleuron de l’industrie du transport, les compagnies aériennes ont pourtant des marges très réduites. Est-ce une réalité et quelles sont les politiques des coûts ?
(E.S-G) : Les marges sont en effet assez réduites car transporter des personnes revient cher, mais avec une bonne gestion du nombre de machines utilisées, une optimisation du taux d’occupation des appareils et une bonne gestion du personnel les compagnies aériennes réussissent à être bien rentables.
Pour en revenir aux récents évènements, depuis le 11 septembre 2001, la politique est « réduction des coûts », c’est-à-dire gel des salaires, réduction des embauches et surtout on essaie de faire des économies partout où on peut. Par exemple : ménage dans les bureaux un jour sur deux au lieu de tous les jours, pas de chauffage entre Noel et le jour de l’an….
(E.C) : En effet les marges du transport aérien sont très réduites ! Il suffit de regarder le resultat de l’exercice « record » d’Air France en 2000… (ndlr : voir sur le site web de la société…)
La concurrence oblige à tirer les coûts vers le bas. Or l’obligation des grandes compagnies de garder leurs passagers haute contribution oblige à tirer les services vers le haut ! Le coût du pétrole est aussi un facteur non negligeable… surtout ces dernières années. Et puis bien-sûr, depuis un an le coût de la securité est preque entièrement répercuté sur les compagnies aériennes !
Ce sont ces marges réduites qui rendent les compagnies si fragiles : le manque de trésorerie dans un secteur qui en a énormément besoin (un avion moyen coute 100 Millions d’Euros) étouffe rapidement les entreprises (cf les 100 000 licenciements aux US suite au 11 Septembre…). Il faut savoir qu’un avion qui a un taux de remplissage de moins de 70 % fait perdre de l’argent…
Les calculs sont alors vite faits.
2πr – « Compagnie aérienne ? On voyage donc pas cher ! » Vrai ou faux, quels sont les avantages et les inconvénients du secteur ?
(E.S-G) : Il est vrai qu’il y a de gros avantages financiers pour voyager lorsque l’on travaille dans une compagnie aérienne, mais il faut aussi être patient !
En effet, nous pouvons obtenir des billets pour environ 30% de la valeur normale « grand public » (avec les impôts à payer sur cet avantage d’entreprise), mais attention, le voyage n’est pas assuré ! Nous voyageons ce que
nous appelons « Stand-by » c’est à dire que nous ne pouvons prendre l’avion que lorsqu’il reste des places… S’il n’y a plus de places sur le vol de
16h30 alors on est bon pour attendre celui de 18h, sans être sûr d’avoir une place dans ce dernier.
Et puis n’oublions pas que le sport favori des compagnies aériennes reste le « surbooking », c’est à dire que sont vendues plus de places que de disponibles dans l’avion et ceci parce que 5 à 10% des passagers ne prennent pas le vol pour lequel ils ont acheté un ticket.
Alors pour voyager pas cher il faut être patient et très flexible en ce qui concerne les dates des vacances. Il ne faut pas compter prendre des vacances pendant les congés scolaires ou pendant les fêtes (Noel, Pâques, etc…) et il vaut mieux de même privilégier les départs et retours en milieu de semaine que le week end.
Mais globalement, c’est bien sympa tout de même 😉
(E.C) : On voyage « pas cher » mais il faut être patient ! En effet, on n’embarque que s’il reste de la place. D’autre part, il faut penser que nous sommes 56 000 chez Air France et que les vols sont remplis à plus de 80 % en moyenne…
Mais il est vrai qu’on voyage beaucoup. Les avantages sociaux sont non négligeables chez Air France, ce qui n’est pas forcément vrai dans toutes les compagnies. Cependant, une compagnie aérienne reste avant tout faite pour les naviguants : le personnel au sol est bien moins bien lôti (même si nous n’avons pas vraiment de quoi nous plaindre…).
Les inconvenients sont d’ordre pécunier : on paye un petit peu moins l’ingé informaticien dans l’aérien. Toutefois, tout avantage mis au bout, on s’y retrouve… 😉
{2πr – Actualité oblige, les compagnies dites {low-cost remportent un succès grandissant. Quel est leur impact sur le marché et sur votre société ?}}
(E.S-G) : L’impact des « Low-Costs » n’est pas si important sur des compagnies aériennes comme Lufthansa par exemple.
Il faut tout d’abord savoir qu’une compagnie aérienne gagne de l’argent uniquement sur les billets « Business » ou « First » ; les billets « Economy » ne rapportent quasiment rien à nos grosses compagnies aériennes. Or quelqu’un qui est prêt à payer un billet « Business » ou « First » le fera toujours et n’ira pas voler avec un Low-Cost… le standing et les services ne sont tout
simplement pas suffisants pour cette clientèle.
(E.C) : Pour pouvoir garantir leurs tarifs, les low-costs doivent rester sur les courts et moyens courriers. Sur ce secteur, la concurence est largement ressentie. Pour contrer cette concurence, Air France continue à developper sa politique de « hub » (ndlr : un hub est un port d’attache pour une compagnie, c’est-à-dire un lieu de stationnement des appareils à moindre frais), mais en aucun cas on ne pourra attaquer les lows-costs sur les prix ! Je ne pense d’ailleurs pas, soit dit en passant, que la demarche de sociétés comme Air Lib puisse aller très loin : c’est bien de remplir ses avions, encore faut il gagner de l’argent !
Or la structure des entreprises « anciennes » ne le permet pas : flotte hétérogène et vieillissante, personnel ayant trop d’avantages…. On ne demandera jamais à un personnel naviguant Air france ou Air Lib de nettoyer l’avion… Je crois qu’il faut comparer les low-costs avec Lidl dans la grande distribution, où l’organisation toute entière permet des coûts bas (la caissière remplit les rayons, le directeur tient la caisse…).
Air france c’est plutot « Carrefour », si on continue la comparaison, sa force c’est d’être toujours plus gros (absorbtion d’UTA, Air Inter, Regional…).
Pour finir, je crois qu’on n’a pas fini d’entendre parler de fusion dans l’aérien…
2πr – Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui souhaiteraient tenter leur chance dans ce secteur ?
(E.S-G) : Aimer les voyages, mais pas du point de vue passager… c’est parfois déprimant de se dire, « moi je bosse pour que d’autres s’amusent… » 🙂
(E.C) : Ce secteur, comme celui des banques, souffre d’une informatique vieillissante sur le plan humain, technique et technologique. Des budgets sont progressivement debloqués pour renouveler la technologie et surtout les méthodes de travail !
Je pense qu’il faut vendre sa capacité à industrialiser les process et à appliquer des méthodes de travail plus carrées que celles existant à l’heure actuelle…
Enfin et surtout, c’est comme ça que je me suis vendu et ca a marché ! 😉
2πr – Merci de nous avoir fait profiter de votre expérience !
Avis aux amateurs d’avions et de voyage…
N’hésitez pas à faire part de vos remarques ou bien de vos témoignages en nous écrivant à l’adresse suivante : [email protected]
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